Boire les vins à bonne température

Certes il faut savoir choisir un bon vin mais il faut aussi savoir le boire, ne pas gâcher le fruit élaboré avec soin par le vigneron en le servant trop chaud ou trop froid. Quelques petits conseils pour bien choisir la température de service d’un petit vin de soif comme d’une belle bouteille.

Les arômes et la température du vin : des perceptions à forte variabilité

température du rosé
© FHermine

« Quand le vin est tiré, il faut le boire, surtout si il est bon », disait César, celui de Marcel Pagnol, mais il aurait dû ajouter « et si il est à bonne température ». Car il est facile de gâcher un nectar en le servant trop froid ou trop chaud. Il n’y a hélas pas de température idéale à appliquer à tous les vins ; cela dépend de la couleur bien sûr, mais également de la structure, des tanins, de l’équilibre, de l’âge, non pas du capitaine vigneron mais du breuvage.

Au delà des premières impressions, il apparait que les notes de fond, l’acidité et l’alcool émergent davantage dans un vin à 22°C, tandis que les notes primaires, l’amertume et l’astringence ressortent dans un vin à 10°C. « Quant aux tanins, on passe avec la hausse de température du dur au caressant au moins jusqu’à 16-18 °C, souligne le biologiste et professeur au Muséum national d'histoire naturelle Marc-André Selosse qui a planché sur le sujet.

Certains composés comme le menthol, activé par le froid, peuvent également modifier le profil en apportant de la fraîcheur. « Les perceptions sucrées ou amères sont plus faibles à basse température, renchérit le chercheur en neurosciences Gabriel Lepousez. Les arômes boisés vont apparaître plus massifs, plus expressifs à haute température ; A contrario, les basses températures vont renforcer la texture, la dureté ».

Où boire son vin et avec quoi ?

« Chaque vin a un équilibre différent qui se reprogramme selon la température de la pièce, en fonction de ce que l’on mange et de ce que l’on attend du vin » estime Marc-André Selosse. L’accompagnement est donc déterminant : un vin avec une entrée froide va apparaître plus fruité, et un vin à 18-20° passera mieux avec un plat chaud, même s’il apparait plus riche. Par ces températures estivales souvent à plus de 25-30°, mieux vaut servir le vin un peu plus frais car il va vite remonter de quelques degrés dans le verre. On peut donc aisément s’embrouiller les papilles. Voici donc quelques conseils pour optimiser la dégustation d’une bouteille.

Température des vins rouges

service de vin rouge
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L’appellation Crozes-Hermitage en Vallée du Rhône septentrionale s’est penchée récemment sur le sujet. Estimant qu’une certaine culture du service des rouges s’était perdue, abimant l’effort du vigneron et galvaudant le plaisir du consommateur, elle a choisi de communiquer haut et fort sur l’importance de la température de service sur la perception des vins, en l’occurrence des rouges, au nez comme en bouche. Pour résumer les essais de dégustation effectués à différentes températures : Quand c’est trop froid, rien ne sort; quand c’est trop chaud, tout ressort. Il s’agit donc de remettre le « chambrage » à l’ordre du jour. Quand on parlait autrefois de « chambrer un vin », on conservait la bouteille non pas dans la chambre « à coucher », mais dans la chambre « pièce à vivre ». Dans son Dictionnaire historique de la langue française, Alain Rey définissait le terme chambre comme « mettre à la température de la pièce où l’on boit en opposition à celle de la cave ». Il y a un peu plus d'un siècle, quand le terme est apparu, les maisons étaient plus à 16-18 °C qu’à 19-22 comme dans les logements d’aujourd’hui. 

Pour les rouges légers (saumur-champigny, sancerre, beaujolais, alsace…), mieux vaut tabler sur la fourchette basse ; pour des vins plus puissants et tanniques (châteauneuf-du-pape, pauillac, minervois, côtes catalanes…) la fourchette haute. En général, on estime qu’unbourgogne se sert à 14-15°C, un bordeaux à 16-17 °C. Un vin dans un vieux millésime pourra supporter 2 à 3°C de plus qu’un vin jeune.

Comment servir les vins  blancs et rosés ?

La chaleur renforçant la perception d’acidité des différents vins blancs, mieux vaut les servir frais entre 8 et 12°C et de préférence garder la bouteille dans un seau à glace. Plus le vin est sec et léger, plus la température doit être basse (muscadet, entre-deux-mers, mâcon…) ; avec un vin plus complexe, on peut remonter de quelques degrés, à 10-12. Quant aux rosés, ils se servent plutôt à 8-10 °C mais pas glacés non plus pour ne pas anéantir tous les arômes.

Température optimale des bulles et liquoreux

la bonne température pour les effervescents
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Avec les effervescents, il faut choisir une température assez basse entre 6 et 10°C pour profiter de l’acidité et de la fraîcheur en bouche. Pas trop frais non plus sous peine de rendre les bulles un peu trop agressives. On peut rajouter 2 ou 3 degrés s’il s’agit d’une cuvée de prestige ou millésimée, ou si la bouteille accompagne tout un repas, et grimper jusqu’à 12-14 pour un vieux champagne.

Un vin moelleux ou liquoreux se sert plutôt frais à 9-10 °C car la chaleur peut l’alourdir. Il gagnera ainsi en légèreté. S’il est servi sur un plat (comme un poulet rôti ou une tarte au roquefort), quelques degrés supplémentaires lui seront profitables.

Ajustements de température

On peut évidemment ajuster la température au moment du service mais de préférence en douceur. Pensez à remonter la bouteille de la cave quelques heures avant de la servir sans oublier qu’un léger carafage ne fait pas de mal (sauf pour les très vieux vins à manipuler avec précaution) ou au moins, une ouverture une demi-heure à une heure avant pour aération. Évitez le congélateur un peu trop violent pour le vin ou le champagne, et optez plutôt pour un seau rempli de glaçons qui descendra la température de la bouteille sans la brusquer en 15-20 mn, beaucoup plus rapidement qu’un passage au réfrigérateur. Il faut en user et en abuser l’été, y compris pour les vins rouges sous peine de se retrouver rapidement avec un sirop alcooleux à 25°C dans son verre. Mais ne pas les descendre en-dessous de 14°C. Comme on ne se promène pas toujours le thermomètre dans la poche, faîtes confiance aux glaçons autour de la bouteille, pas dans le verre. Hérésie totale : le vin est dilué et saisi par le froid, il n’a plus aucun goût. Si vous avez soif, buvez de l’eau.

Frédérique Hermine